Rencontre avec D.Sibony

Rencontre avec l’écrivain, psychanalyste, philosophe Daniel Sibony le 29 mars 2019 au cycle de Montbrillant

Lors de notre rencontre avec le groupe deux jours plus tôt pour préparer notre rencontre du jour, nous avions amorcé diverses interrogations autour du thème de l’amour. Les élèves s’étaient exprimé-e-s librement sur leurs impressions, leurs idées et leurs ressentis sur ce que représente l’amour. Nous avions à nouveau parlé de la rencontre, de la difficulté (ou pas) d’aller vers l’autre, de l’attirance que nous pouvons ressentir pour certaines personnes alors que nous les connaissons à peine. Nous avions élaboré toute une série de questions qui nous permettrait de nourrir notre rencontre avec notre invité.

A l’arrivée de Monsieur Sibony dans la classe, les jeunes sont debout, parlent fort, se chamaillent un peu et ne prêtent pas attention. Nous laissons un temps de respiration pour que chacun-e trouve ses marques. Petit à petit les élèves se calment, saluent notre invité et nous prenons place en cercle pour entamer les présentations. Le groupe était un peu impressionné et une certaine gêne était palpable de part et d’autre.

Daniel Sibony nous avouera d’ailleurs, au court de nos discussions, que c’était la première fois qu’il rencontrait un groupe d’adolescent-e-s pour échanger et partager autour d’un sujet. Notre rôle en tant que médiatrices était d’essayer de briser la glace et de faciliter au maximum la prise de parole des élèves tout en laissant émerger la spontanéité et les interactions au sein du groupe.

Présentation et résumé du parcours

Tout d’abord, nous avons présenté notre parcours. Certain-e-s élèves ont expliqué que notre thème était l’amour et que nous avions, lors de notre première rencontre, fait un banquet comme dans le texte de Platon. Nous avons demandé à notre invité ce que cela veut dire d’être un philosophe au 21ème siècle et si cela est un métier. « Etre philosophe c’est débattre de sujets de société, c’est essayer de comprendre le monde dans lequel nous vivons mais je ne sais pas si c’est vraiment un métier » nous a répondu Daniel Sibony.

Une participante a parlé de notre visite au musée de l’Ariana et qu’ils/elles avaient dû choisir une céramique qui leur rappelait l’amour. Elle avait choisi une horloge ornée de fleurs. Paul a souligné le fait que nous avions, au cours de nos ateliers, abordé à plusieurs reprises la notion de rencontre et des projections (réalistes ou idéalisées) que nous pouvons avoir sur les autres.

Discussion philosophique

Lors de notre précédent échange avec le groupe, nous nous étions interrogé ce qu’est la psychanalyse et comment cette discipline traite du thème de l’amour. Selon Daniel Sibony, la psychanalyse sert à aider les gens à ne pas se faire du mal, à résoudre leurs problèmes d’amour, relationnels ou existentiels. « Il n’est pas facile de parler de l’amour en général et d’oser formuler des questionnements qui relèvent de l’intime ». Il ajoute que la psychanalyse s’appuie sur le processus de transfert au cours duquel des sentiments ou des désirs inconscients, le plus souvent dirigés sur les parents, peuvent se reporter sur le-la partenaire. Souvent les individus portent un poids familial qui peut entraver leur relation amoureuse et leur capacité à faire des rencontres.

Nous demandons aux participants s’ils/elles connaissent un couple célèbre, dans la littérature ou le cinéma, pour qui leur famille a été un obstacle à leur amour. « Romeo et Juliette ! » s’exclame Andy. Nous profitons de l’occasion pour discuter avec les élèves de cette célèbre tragédie de William Shakespeare ainsi que du film de Baz Luhrmann sortie en 1997 avec Leonardo DiCaprio.

Adrien a demandé à notre invité s’il avait déjà été amoureux et comment sait-on que l’on est amoureux ? Mélanie s’exclame : « De toute façon, l’amour c’est une illusion … et aimer c’est souffrir !»

Daniel Sibony nous explique que nous faisons beaucoup d’actions dans la vie qui relèvent de l’inconscient. Nous sommes aussi doté-e-s d’intuition qui nous permet de sentir inconsciemment une connivence (ou non) avec autrui. Mais cette intuition est fiable jusqu’à un certain point et c’est à chacun-e de se poser la question quelle est la part d’inconscient ou d’idéalisation inhérente à toute relation.

Une participante renchérit et nous dit que lorsque l’on est amoureux-se on est comme hypnotisé-e et que souvent on va idéaliser celui ou celle que l’on aime.

Un élève ajoute un peu confus et les yeux rêveurs : « C’est comme quand on rencontre une personne dans la rue et on s’attache trop… et on ne peut plus s’en passer. »

Au fur et à mesure de la discussion, l’atmosphère se détend et les jeunes se sentent à l’aise de poser leurs questions et d’interagir à leur guise. Une élève s’interroge sur le fait que les gens, en général, cachent ce qu’ils ressentent et ne peuvent pas ou ne veulent pas exprimer leurs sentiments. « C’est la peur de se faire rejeter ! » lui répond Elile.

Nous avons parlé ensuite de l’attirance que nous pouvons avoir pour des personnes ou des choses que nous ne pouvons pas avoir, lorsque l’objet du désir nous semble inatteignable. Daniel Sibony ajoute que l’amour idéal est celui ou chacun-e peut être vrai-e, ainsi l’amour a une chance d’exister.

Notre invité nous a parlé ensuite de sa jeunesse au Maroc, son émigration en France, ses études de mathématique, sa passion pour la philosophie et les gens. Nous nous sommes quitté-e-s après plus d’une heure de débat. Beaucoup de questions que nous avions soulevées ensemble lors de l’atelier de préparation resteront en suspens mais les élèves sont reparti-e-s enrichi-e-s des réflexions et des échanges de points du vue grâce à cette nouvelle rencontre avec Daniel Sibony.

En guise de conclusion, nous retiendrons cette phrase évoquée lors de la rencontre :
« La vie est plus riche que l’idée que l’on se fait de la vie ! »

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