Visite au MAMCO
Troisième rendez-vous du groupe Bataille, la visite de l’exposition au MAMCO s’est déroulée en deux temps. Pendant une heure, nous sommes revenus sur le spectacle vu lors de notre dernière rencontre. Nous avons ensuite suivi une visite guidée de l’exposition Die Welt als Labyrinth.
La première partie de la rencontre du samedi 24 mars s’est déroulée dans une salle de réunion du MAMCO. De nouveaux participants et travailleurs sociaux ont rejoint le groupe pour cette rencontre : Lluís, Annette, Thomas et Alain. Au total, 11 personnes ont participé à ce rendez-vous.
Après avoir présenté La Marmite dans les grandes lignes et explicité les objectifs du jour (revenir sur le spectacle et visiter l’exposition), les participant·e·s se sont présenté·e·s à travers la mention d’une activité qu’ils·elles estiment utile dans leur existence, et une autre inutile. Cette activité était un clin d’oeil au titre du spectacle auquel certain·e·s ont assisté : Unitile.
Nicolas
- Utile : écrire des articles pour des journaux
- Inutile : tremper son doigt dans du bouillon de légumes pour y goûter
Jonas
- Utile : la musique
- Inutile : le compte facebook
Giovanna
- Utile : aider une voisine à faire ses courses
- Inutile : regarder des « combines » sur l’ordinateur
Danielle
- Utile : être une citoyenne active dans sa commune et ailleurs
- Inutile : rêvasser
Alain
- Utile : travailler pour la collectivité, la famille
- Inutile : ramasser des morilles
Thomas
- Utile : être en formation
- Inutile : fumer des cigarettes
Lluís
- Utile : se lever le matin pour lire des polars
- Inutile : regarder les gens qui regardent tous leur portable
Hanifah
- Utile : dormir
- Inutile : regarder un film puis se rendre compte qu’il ne valait pas la peine d’être regardé
Regina
- Utile : écouter les gens
- Inutile : cuisiner des gâteaux
Sally
- Utile : aider les enfants d’amis dans des tâches linguistiques
- Inutile : essayer de faire de l’ordre chez soi et se rendre compte que ce n’est pas mieux qu’avant
Annette
- Utile : être à l’écoute et s’intéresser à la vie culturelle
- Inutile : le compte facebook
Plusieurs débats et interrogations ont émergé durant cette activité. Une personne n’était pas d’accord de placer la rêverie dans la catégorie inutile. Une autre a dit que dans la vision capitaliste, c’était une activité inutile. Quelqu’un a demandé si l’utilité concernait sa propre existence ou celle des autres. Une autre personne a affirmé ne pas toujours savoir si quelque chose était utile ou non.
Se souvenir du spectacle
Après cette activité de présentation, nous avons proposé aux participant·e·s une activité d’écriture sur le modèle des Je me souviens de Georges Perec. Tout le monde devait écrire cinq souvenirs du spectacle Unitile. Puis, nous avons fait une lecture collective, fragment par fragment, pour constituer un poème de groupe dont voici les éléments. L’objectif de cet exercice était de cristalliser en une forme écrite et lue ce qu’il restait du spectacle.
Je me souviens d’avoir été assise dans l’obscurité
Je me souviens que j’étais très contente de voir pour la première fois Foofwa d’Imobilité
Je me souviens de la foule à la cafétéria du théâtre
Je me souviens d’une salle noire obscure en arrivant
Je me souviens des danseurs qui débutaient le spectacle derrière les gradins
Je me souviens de l’épinette insistante de Jacques Demierre
Je me souviens d’avoir hésité à laisser ma veste et mon sac dehors, et aussi les chaussures
Je me souviens des beaux gestes des danseurs
Je me souviens que j’étais étonné du début de l’ambiance dans la salle
Je me souviens qu’il fallait enlever les chaussures pour rentrer dans la salle
Je me souviens des gradins sur lesquels nous étions assis
Je me souviens de la lumière faible, un univers du rêve
Je me souviens des costumes, entre nudité et baroque
Je me souviens qu’il n’y avait pas de lumière dans la salle… ou peu
Je me souviens de la dame avec un dessin peint directement sur son corps
Je me souviens du bruit de la machine à coudre
Je me souviens de la fumée dans la salle
Je me souviens de l’ambiance d’attente
Je me souviens d’une danseuse qui m’a pris les mains
Je me souviens du public
Je me souviens qu’après la dissipation de la fumée, on voit clairement des corps nus ou à moitié nus
Je me souviens d’une danse en rond
Je me souviens de la première fille (artiste) qui devait faire tout le temps les mêmes mouvements
Je me souviens des acteurs assis dans les gradins à la place des spectateurs
Je me souviens du réveil des comédien-nne-s, de leurs déambulations nus pour la plupart
Je me souviens d’images anciennes placardées sur les murs
Je me souviens de la soupe à l’oignon dans le foyer
Je me souviens de la dame à la machine à coudre. Elle travaillait sans cesse
Je me souviens que je n’ai presque rien vu de ce qui était affiché aux murs
Je me souviens qu’au début je ne savais pas qui était artiste et qui était public (finalement les deux)
Je me souviens de la nudité de certains acteurs-danseurs ainsi que des sons très spéciaux
Je me souviens de ces corps se mouvant par delà les chaises désertées du public – étrange ambiance. Était-ce inutile ? Question que je me pose
Je me souviens des salutations qui incluaient le public et du sentiment étrange d’être applaudi pour avoir regardé
Je me souviens des papiers et informations collés aux murs
Je me souviens que quelqu’un m’a donné un fil blanc et ensemble on a fait une toile d’araignée
Je me souviens de la fille très belle qui présentait des épices
Je me souviens de la mixité acteurs/spectateurs
Les personnes qui n’étaient pas présentes au spectacle ont réalisé le même exercice en se rappelant d’œuvres qui les avaient marquées durant leur vie.
Dans un labyrinthe expérimental
La suite de notre rendez-vous a été consacrée à l’exposition Die Welt as Labyrinth. Une exposition qui fait la part belle aux avant-garde des années 1950 et 1960 : Internationale Lettriste, Bauhaus Imaginiste et Internationale Situationniste notamment. La visite s’est déroulée sous la conduite d’un guide. Les œuvres prenaient des formes diverses : céramique, tableaux, installations, écriture.
Dans une démarche anti-élitiste, les partisans de ces avant-garde avaient en commun de travailler à flouter la frontière entre l’art et la vie, entre artistes et spectateur·rice·s. Un parti pris qui rappelait celui du spectacle de Foofwa d’Imobilité dans lequel la frontière entre danseur·euse·s et spectateur·rice·s était parfois incertaine.
En déplaçant le curseur du produit fini au processus de création, de l’objectivité à la création de situations subjectives (comme ce tunnel de l’antimatière dans lequel nous avons pu nous engouffrer), ces artistes ont questionné ce qui fait la valeur d’une œuvre.
Laure Gallegos et Nicolas Joray