Rencontre avec Jean-Pierre Simeon

RENCONTRE DU MERCREDI 9 NOVEMBRE 2016 AVEC JEAN-PIERRE SIMEON

A son arrivée au lieu de rendez-vous, Jean-Pierre Siméon fait un tour de table et salue une à une les personnes présentes, en se présentant par son prénom.
Une participante, en porte-parole du groupe, raconte à notre invité le parcours artistique du groupe Char, le déroulement des deux rencontres précédentes, ainsi que notre tentative collective d’adopter « une attitude poétique ».
Nous faisons ensuite découvrir à Jean-Pierre Siméon des bribes sonores de ses poèmes lus par les participantes. Il est visiblement ému d’entendre ses textes, pêle-mêle, énoncés par les participantes.
Siméon raconte et se raconte. Il partage sa passion de la poésie et sa quête profonde et permanente d’artiste vers une compréhension de l’humain.
Il nous rappelle qu’« on ne naît pas humain, on le devient » Il pense l’homme illimité, plaide pour une réhabilitation de sa complexité et encourage à ne pas craindre les possibles.
Il explique l’abus de pouvoir et la violence par une difficulté à maîtriser ses peurs fondamentales. « Tous les gens, qui veulent beaucoup de pouvoir, sont dominés par leur peur ». Pour devenir humain, il faut gouverner sa peur ontologique d’exister. Or, la poésie, « ça fait peur », c’est subversif, car cela ouvre tous les possibles.

Et comment devient-on poète ?
Siméon se souvient de la vive émotion qu’il a ressentie à l’âge de 7-8 ans, lorsqu’à la fin d’une journée de classe, son professeur a lu, gratuitement, de la poésie à ses élèves, qu’il ne voulait pas libérer avant la sonnerie. Le poème a exprimé pour lui quelque chose de la vérité humaine, même s’il n’a pas tout compris au sens de ce texte.
« Un poème ça parle vrai ». Et Siméon aussi. Le poète n’a pas envie de perde son temps, ni de l’occuper, car il a une grande passion pour la vie. Il vit en poésie et en poète. Il veut aller dans la profondeur de la vie et du langage, redonner de la réalité et de la présence à la parole, à la vraie parole.
Et autour de la table aussi, ça parle vrai.
Une participante se confie : « depuis quelques temps, je suis en train de rêver l’enfant qui est en moi ». Siméon répond en citant Michaux : « je cherche un être en moi à envahir ».
Une autre participante en revient à notre question : c’est quoi un poète ?
Selon Siméon, c’est quelqu’un qui ne cherche pas des réponses, mais qui pose des questions. C’est un questionneur, quelqu’un qui questionne notre humanité à chacun, dans ce qu’elle a de pire comme de meilleur.
Dans cette société qui cherche à faire de nous des clones, qui nous soûle de mots et d’images qui ne veulent rien dire, le poète fait un effort de conscience face à ce qui l’entoure. « Mais cela doit être fatiguant à la longue de constamment chercher le vrai, de toujours être conscient », rétorque une autre membre du groupe. « On a parfois besoin de légèreté ! » Et Siméon convient qu’il n’a rien de l’ascète ou de l’artiste torturé – il aime les petits plaisirs de la vie aussi ! Il n’en est pas moins que la dignité de l’être humain réside, répète-t-il, dans cette fatigue de la conscience.
La passion de Siméon pour la vie et pour les mots transparaît dans sa manière de s’exprimer. On a l’impression qu’il pourrait continuer à nous parler toute la nuit et on ne se lasserait pas de l’écouter.
Mais le temps des horloges file. Siméon est attendu à 20h à la Comédie pour une conférence publique. L’échange est interrompu avec regrets.
Ses mots font du bien, ouvrent des possibles. « Le poète est un professeur d’espérance », nous dit-il et « la poésie c’est l’esperanto de l’âme humaine ».
On ressort de cette soirée nourri-e-s et avec « les draps de l’âme étirés dans toutes les directions ».

Florence Savioz & Iris Meierhans

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