Danser en regardant
Le samedi 6 mai 2023, nous nous sommes rendus à l’Arsenic pour voir les deux créations de fin de saison du Marchepied, compagnie qui permet à de jeunes danseurs professionnels de faire une première création. Cette sortie faisait suite à une première rencontre incluant dialogue avec les artistes et expérience de mouvement ensemble la semaine précédente.
Une participante s’était dit « honorée » de rencontrer les artistes de manière privilégiée, avant et après l’expérience d'être public, sur leur lieu de travail et de ne pas seulement voir leur spectacle.
Feuille de salle
Deux participantes sur les 10 inscriptions n’ont pas pu venir pour des raisons professionnelles de dernière minute mais Maria, l’une des deux, pourra finalement découvrir le spectacle le lendemain.
Sont venu·es : Chris, Nathalie, Ana, Arlette, Grace, Florence et les deux médiatrices Laura et Émilie. Nous nous retrouvons dans cette douce soirée sous les platanes pour siroter un verre, vérifier la mémorisation des prénoms pour ceux qui n’ont pas partagé le même parcours. La joie de se retrouver est contagieuse et le cadre idéal.
Nous évoquons le dernier spectacle vu ensemble dans ce lieu, Niagara de Pamina de Coulon, dans le cadre du parcours Anima qui travaille sur le souffle. Les participant·es évoquent le fait que cette jeune femme « ne manquait pas de salive », et ont apprécié les liens qui glissaient entre tous les sujets abordés (écologie, rouille, migrations). Personne ne dit avoir « décroché » de ce monologue de plus d’une heure, et chacun est admiratif de cette performance exigeante et généreuse : « on buvait ses paroles ». Nous nous remémorons combien de fois elle boit, où était située sa bouteille.
Moment en plein air avant le spectacle
Nous mentionnons également l’agenda bien chargé de ces prochaines semaines : film et vernissage du parcours Anima, prochaine rencontre avec le Marchepied et pique-nique de fin de saison.
Deux participant·es évoquent une expérience culturelle difficile : accompagnant un groupe de personnes migrantes, afghanes pour la plupart, pour assister, dans le cadre de BDFil, à une exposition de dessins à caractère sexuel et même pornographique. Comment éviter de voir (ou entendre) des choses choquantes, dans un cadre de réception artistique ? Si dans un musée ou une galerie on peut réguler, échanger, détourner le regard, quelles sont les possibilités lors d’un spectacle vivant ? Sortir, ultimement, mais aussi penser à autre chose, fermer les yeux, se boucher les oreilles, regarder comment c’est fait, les autres spectateurs…
Nous leur proposons, dans le cadre du spectacle que nous allons voir ce soir, d’observer comment VOIR la danse peut susciter un MOUVEMENT INTÉRIEUR.
Le moment de rentrer dans la salle
Les danseurs sur le plateau
Quand nous entrons dans la salle les danseurs sont déjà sur le plateau, certains reconnaissent et saluent les participant·es·du chœur. Le premier spectacle, En petit comité, du chorégraphe invité Ioannis Mandafounis, nous propose de nombreuses pistes en lien avec la parole et le chant, a cappella ou au micro, parole audible ou muette. Il y a aussi un paquet de chips. Et une femme que l’on enfouit. À la fin elle est couverte de nombreux objets, avant qu’on ne la tire hors du plateau. La scène est continue, lente, violente, intense. Elle provoque quelques échanges à chaud à l’entracte :
- Tu mérites, tu mérites, et après tu tombes
- Quand il la sort en la trainant par terre là j’ai senti un relâchement
- Elle porte toute la misère du monde
- Sa beauté contrastait avec la laideur des objets hétéroclites
- Je voyais tout le travail pour qu’elle reste debout malgré les objets qui lui appuyaient dessus, c’est une question d’équilibre
- Elle est très forte parce que rester en plié comme ça c’est quelque chose qu’on fait à la gym et c’est très dur
- Elle accepte tout, son visage ne laisse rien voir
- On pense qu’une femme seule est fragile mais c’est le contraire, elle est comme un soldat
- Tu peux m’accumuler des trucs dessus, mais je reste moi
Fin du premier spectacle
Puis vient le moment de découvrir LIFT des chorégraphes Pettit*Rochet sur le thème de la gravité et des portés, souvent virtuoses. Accomapgnée par la musique du Requiem de Fauré, cette deuxième partie nous emporte dans la fluidité, l’envol. On retrouve la qualité de l’eau, à mi-chemin entre la séduction et le jeu. Une fois dehors, le ressenti des participant·es est presque à l’opposé de celui à la sortie du premier spectacle:
- Je plane avec eux
- La musique m’a transporté
- Ils ont l’air de ne faire aucun effort
- Tout était tellement beau, comme des anges
Il fait encore jour lorsque nous nous quittons pour nous retrouver la semaine suivante afin d’échanger avec les danseur·euses. Nous proposons de laisser la réflexion venir, suite à ce que l’on a vu et tous·tes les participant·es se réjouissent de la prochaine rencontre au Studio 2.
Le groupe au complet