Restitution/valorisation du parcours L'après-midi d'un faune

Présent·es : Teka, Grace, Zara, Mouna, Danièle, Thierry, Emilie, Alba et Arnaud, formateur à Lire et Ecrire qui a mis en forme le site en ligne.

 

Nous sommes invités sur le groupe de discussion à fêter la fin du parcours et présenter la valorisation des traces créées par les participant·es. Nous ne parlerons pas ici d'une création partagée, mais d'une valorisation des traces créées par les participant·es, car le suivi du projet a été produit au fur et à mesure pour cause de COVID, avec de nombreuses allées et venues au sein du groupe, même si les 5 participant·es sont eux restés présents tout au long de ces presque 2 ans de rencontres.

Pour cette valorisation, le chef d’orchestre-formateur-médiateur Thierry Weber a choisi la forme d’un site web qui fait correspondre des extraits sonores aux photos de nos sorties. Parfois les participant·es retracent aussi par des mots un souvenir, une émotion, un apprentissage. C’est au cours de rencontres individuelles que Thierry a remis les tablettes numériques avec le programme Fonofone dans les mains des participant·es, en évoquant quelques 200 photos de nos sorties, et leur demandant de mettre en sons leur vécu.

Cette plateforme permet également de mettre en avant les capsules audios créées par le metteur en scène Jean-Daniel Piguet en 2021. Jean-Daniel a proposé aux participant·es de se mettre à la place d’une plante et a recueilli leurs récits imaginaires. Puis il a monté les capsules en intégrant des musiques, choisies par les participant·es sous forme de prosopopée.

Le site est organisé par personne, chaque participant est rendu visible avec son entrée, au contraire du site de La Marmite qui « fait le portrait des artistes et des médiateur·rices tandis que les participant·es sont eux invisibilisé·es, noyé·es dans un même onglet comme le remarque de manière justifiée le professionnel de la formation d’adulte. Au contraire du site de La Marmite, très savant et foisonnant, ce site simple et accessible « peut être montré aux proches, enfants ou parents des participant·es ».  [Note : le site de La Marmite était - au moment de la rédaction de ce carnet - en train de connaître une refonte visant à améliorer son accessibilité et son attractivité. Depuis octobre 2022, les participant·es sont présenté·es aux côtés des intervenant·es des parcours.]

Le site est visible à l’adresse : apresmididunfaune.com (à taper directement dans la barre d’adresse car non répertorié).

Lors de la rencontre du 30 septembre, plusieurs membres du groupe prennent la parole pour réagir au résultat projeté sur l’écran, ou évoquer des temps forts du parcours. Thierry pose quelques questions et attrape les réponses sur la tablette enregistreuse qui ne le quitte pas.

Nous nous retrouvons non sans une certaine émotion, échangeons des nouvelles de nos familles, de ce que nous avons traversé ces derniers mois (notamment quelques accidents sportifs). Arnaud, qui connaît bien les participant·es et qui a modélisé le site web à la demande de Thierry, présente le site et son fonctionnement. Nous l’annotons et le modifions au fur et à mesure : reformulation du texte de présentation, choix des photos. Danièle a fait des courses et préparé de quoi partager une salade et un apéritif. Mouna nous rejoindra plus tard, avec un délice de repas somalien (beignets et samboussa), tandis que Nadia est à l’étranger et ne pourra pas être avec nous.

Tandis que Thierry invite tou·tes les participant·es à un concours gratuit de chant lyrique à l’HEMU, nous parlons de l’opéra, où la médiatrice est allée pour la première fois, s’étant trouvée témoin des effets de classe (la buvette pour les Amis de l’opéra est séparée de la buvette des spectateurs, grande robes, coupes de champagne chères). Une participante évoque à cet instant le film Pretty Woman, dans lequel le personnage de la jeune (belle) et ignorante Vivian, escort girl, est amenée à l’Opéra par son riche, beau (et puissant) mentor, qui l’initie aux codes. Ils vont voir La Traviata, qui relate l’histoire d’une prostituée qui s’éprend de son riche client. Cet exemple fictif peut être un moyen de parler des liens entre la culture artistique et sentiment de classe, ou comment l’art peut être un reflet éclairant de nos vies.

Après un moment la chercheuse Alba, qui a quitté la Suisse pour s’établir en Corse mais qui est venue spécialement pour l’occasion, présente les résultats de la recherche en médiation dont elle a repris les rennes après récolte des données. Lors de cette « médiation de la recherche », elle présente comment et à quoi sert la recherche en sciences humaines, comment le fait d’étudier ce parcours permet de comprendre et apprendre des choses pour celles et ceux qui s’intéressent à cette activité. C’est un challenge d’aborder des notions très abstraites avec les participant·es : la notion même de concept, traduit en « mot », nous permet d’avancer petit à petit dans un univers de sens et de signes savants.

Elle propose ensuite d’utiliser des petits papiers, comme lors de la médiation effectuée après le spectacle Partir, sauf qu’ici, au lieu d’évoquer des souvenirs du domaine de l’expérience, elle nous incite à avoir un regard plus critique sur le parcours, dévoilant ce qu’on a appris, ce qui nous a surpris ou posé problème. Parmi les mots choisis, qui sont pour sa recherche des indicateurs, il y a DISCUSSION, PRENDRE LA PAROLE, SOIN, LEGITIMER, QUESTIONNER, EGALITE.

Petit tour de table impressionniste :

  • J’ai choisi la différence, c’est ce qui nous unit en fait.
  • On a eu de bon coaches, de bons leader / Est-ce qu’on doit toujours avoir des leaders ? / Oui sinon on ne se fédère pas, on ne s’unit pas longtemps.
  • On aime qu’on nous explique, on aime apprendre. J’ai aimé qu’on m’explique à l’Arboretum avec la guide, ou même avec "Partir" de Jean-Daniel, on a appris sur sa famille. C’est important ça d’apprendre des choses.

  • Moi j’ai senti que quand j’avais manqué, je n’étais pas là, et il y avait comme une distance avec le groupe, qui avait vécu la marche nocturne ensemble. Mais je me suis aussi rendu compte que je pouvais partager avec vous, je le vis grâce à ce que vous racontez. La discussion apporte vraiment cette notion de partage.
  • J’ai choisi le soin, parce que prendre soin, s’occuper des autres ça nous fait prendre moins de risques.
  • J’ai choisi le partage, parce qu’on a vraiment partagé quelque chose, on a apporté des choses à manger, mais aussi on s’est écoutés. Partager c’est aussi connaitre des personnes.
  • Beaucoup de questions sont restées en suspens.

 

Nous réfléchissons au terme « décider » : 

  • Moi j’aime si quelqu’un décide pour moi. C’est-à-dire que moi j’accepte d’intégrer le groupe, et après dans ce groupe c’est les autres qui décident du thème, des sorties. Je garde toujours une part de liberté, si je ne veux pas ou peux pas venir, je peux décider de ce que je vais faire. 

Nous faisons le parallèle entre le fait de décider ou non des sorties du parcours et le fait d’aller au spectacle :

  • Dans une salle une fois qu’on a décidé d’aller voir une pièce, après on ne décide plus de rien, on est enfermé, dans le noir, on accepte sa proposition, tu dois te taire et suivre. C’est un pari en fait. Comme la marche dans la forêt, avec ce personnage de guide qui était très autoritaire et peu rassurant, très dur, c’était sa façon de guider.
  • Comme il ne nous a pas mis en confiance, on a appris à s’assurer nous-mêmes.

Quelle est la différence entre un parcours culturel et artistique comme celui-là plutôt par exemple qu’un parcours sportif ?

  • La culture ça m’intéresse plus que le sport, parce qu’on peut partager les façons de penser.
  • On fait différentes activités, c’est un parcours d’activités, très humain.
  • On a besoin de beaucoup de cœur dans ce groupe, la volonté de sincérité.
  • Moi ce qui me marque ici c’est la qualité d’écoute, et aussi la générosité qui passe aussi par la nourriture. Chanter aussi, créer ensemble ça fait un vécu commun.
  • Cuisiner aussi, et chacun amène un plat et fait une histoire avec.

 

Sur les nouvelles technologies :

  • Vous nous avez fait confiance, mais on était perdu avec la nouvelle technologie.

 Alba prend le relais et présente quelques conclusions et questions soulevées par cette étude :

  • C’est vrai que la technologie n’a pas favorisé la création.
  • La durée a été très importante, presque 3 ans depuis la présentation du projet… Ça permet la confiance et de répéter l’expérience. Par contre, pour ce qui concerne la création c’est souvent très court : on voit plein d’œuvres de grande qualité, qui ont demandé du savoir-faire, du temps et de l’expérience, et à la fin des parcours de La Marmite, on doit réaliser quelque chose en très peu de temps, 3 rencontres.
  • On observe aussi que l’art permet un outil pour la communication des éléments très importants : on peut parler de la Mort, avec le spectacle de Jean-Daniel, ce sont des sujets intimes, des discussions existentielles, citoyennes. C’est ce qui crée un groupe de confiance.
  • Les artistes semblent utiliser la créativité pas forcément pour l’enseigner mais plutôt sur comment ils inventent un accompagnement du groupe, rester sensible à l’autre, faire avec les personnes qui sont là.
  • C’est la discussion qui a permis la démocratie culturelle, de prendre la parole, échanger avec des artistes et entre nous, donner son avis. Cela a été très fluide en lien avec la démocratisation culturelle, puisque c’est à partir de la réception des spectacles que chacun prend la parole.
  • Dans ce type de parcours culturel, l’idée de l’espace invité est importante. Si un hôte vous invite, avec tout le respect et le protocole que cela implique, il vous honore mais cela fait qu’il vous invite chez lui, et vous n’êtes donc pas chez vous. Dans un projet dirigé comme celui-ci, on ne peut pas être chez soi, on est invité chez quelqu’un. Comment on peut alors contester ? Et surtout comment on peut être chez soi ? Comment on peut ensuite décider pour soi ?

Ces perspectives critiques sur la proposition de La Marmite pourraient donner des idées de transformation, notamment en ce qui concerne le chœur Coriolan qui est un accompagnement de long terme avec des ancien·nes participant·es des parcours, qui pourraient par exemple élaborer leurs propres calendriers de sorties…

Nous terminons vers 21h, avec un partage de repas et des discussions qui vont de la bonne recette de friture à l’éducation des adolescents. Les participant·es semblaient souhaiter une nouvelle rencontre, ce qui pourra se faire à la reprise du chœur vaudois.

Parcours lié