Rencontre du 5 juin 2020 au Théâtre du Crochetan (16h-18h)
Après une pause « Co-Vide », reprise de nos rencontres pour « parler d’un thème sous le joug de la culture » comme le résume si bien Claudia qui y participe avec fidélité. Nous avons commencé la séance par une reprise d’agenda : le parcours n’ayant pu continuer et se finir au printemps comme prévu à cause du CoVid19, il sera prolongé jusqu’à l’automne.
Malika avait invité les participants à venir avec « un objet qui représente quelque chose de ce temps de confinement ». Chacun a donc présenté ce qu’il avait apporté. Un tapis qui a suivi dans un déménagement, un pinceau pour repeindre les murs en blanc signe d’un nouveau départ, un natel qui a permis de reprendre contact avec des proches, un livre de cuisine, une coquille St-Jacques, une chaussette pour natel crochetée il y a longtemps, une baguette magique de la saga Harry Potter, un crayon papier pour reprendre le dessin , un sac à dos pour des marches au grand air, une pièce en argent aztèque porte-bonheur, une vieille cafetière italienne qui a remplacé le temps du confinement le café lyophilisé.
Le philosophe Agustin Casalia était parmi nous pour cette reprise afin de nous livrer quelques pistes pour penser la finitude depuis le livre Comment affronter la mort ? de Françoise Dastur que nous devions rencontrer en mai au TLH de Sierre et que nous rencontrerons finalement en novembre.
Il a commencé par rebondir sur la présentation des objets qu’il a préféré appeler des choses signalant la différence entre « l’objet » qui suppose une relation avec un sujet autonome posant l’objet et « la chose » qui fait partie de notre existence quotidienne, auprès de laquelle nous tissons notre monde. Par exemple que se passerait-il si la pièce d’Alexandre venait à être volée alors qu’elle l’accompagne depuis l’âge de 20 ans ? C’est tout son rapport au monde qui s’en trouverait probablement modifié ! Agustin a ainsi souligné que les choses que nous avons déposées au centre du cercle sont connectées à un ensemble de significations que nous essayons d’interpréter, et il s’est demandé ce qu’aurait été l’exercice si nous avions décrit les choses sans les subjectiver, nous livrant à un exercice d’interprétation « phénoménologique ». Est-ce qu’on peut laisser les choses « être » ?
Pendant notre expérience du confinement, notre rapport au monde, pour beaucoup d’entre nous, a été modifié. L’évidence du monde s’est effritée. Cette expérience est fondamentale pour approcher la finitude car elle nous rappelle que nous sommes mortels. « Nous sommes capables de mourir » (ici capable ne renvoie pas à une capacité volontaire mais à une possibilité, nécessaire et absolue qui nous définit depuis la naissance). Agustin a précisé avec F. Dastur qu’on trouve plusieurs façons d’envisager notre rapport à la mort. Surmonter la mort (les religions, la science, les mythologies), neutraliser la mort (toutes les activités qui produisent l’illusion de la vaincre : la frénésie d’action, les addictions, la pratique de sports d’haute risque, le culte du corps, la chirurgie esthétique, le suicide, etc.) et assumer la mort (exister en mortel). Dans cette dernière perspective défendue par F. Dastur, la mort n’est pas quelque chose qu’on peut penser et elle n’arrive pas en fin de parcours de vie : nous sommes les mortels, être capables de mourir – condition même de toute existence. L’angoisse, à la différence de la peur, nous indique cette condition vertigineuse qu’est la nôtre : notre existence est sans fondement. Certains participants ont trouvé cela triste ; Agustin a insisté quant à lui sur l’ouverture que cela nous donne « dans l’angoisse les choses émergent dans tout leur éclat » nous a-t-il dit. F. Dastur finit d’ailleurs son livre Comment affronter la mort ? par ces mots : « l’angoisse de la mort n’est nullement incompatible avec la joie d’exister ».
Nous nous sommes interrogés sur le rapport de Don Juan à sa finitude et il nous a semblé qu’il tentait de neutraliser la mort par ses comportements à risque (roulette russe, frénésie pour rechercher un plaisir étourdissant).
Pour finir, Malika a présenté le film After life que nous irons voir le 10 juin à la Médiathèque de Martigny.
Quelques punchlines d’Agustin Casalia (que nous retrouverons en novembre pour la rencontre avec Françoise Dastur) :
« Rien n’a plus d’avenir que notre passé »
« Mourir, c’est la possibilité de l’impossibilité de toute autres possibilités »