Dans la grotte
Dans la grotte
Par Tom Kaeser et Nicolas Joray, médiateurs culturels – Photographies Guillaume Perret
C’est le grand jour. Celui de la réalisation partagée de l’œuvre du Groupe Tala Madani. Une œuvre qui cristallise à la fois le vécu du groupe et qui dit la sauvagerie. Même si peindre des animaux dans une grotte peut sembler incongru, l’idée fait sens pour chacun·e.
Départ pour Le Locle au mois de mars, muni·e·s de baskets et petites vestes pour certain·e·s, chaussures de marche et sac à dos pour d’autres. Nous sommes accompagnés du photographe Guillaume Perret, ami de Léopold Rabus notre artiste qui immortalisera ce moment et de Fabrice Aragno, cinéaste lié à La Marmite.
À la sortie du train, nous nous enfonçons dans la campagne puis dans la forêt jusqu’à rejoindre une grande paroi rocheuse qui nous offre un abri contre la bruine légère. Ensemble, nous allumons un feu. Nous en avons besoin : il fait froid et nous allons rester là quelques heures. Nos habits sentiront la fumée. Pas grave. Préparée par les médiateurs, la nourriture est disposée sur une grande couverture ; l’on se sert quand on veut. Quelques saucisses seront d’ailleurs grillées sur le feu.
La magie opère
Le moment attendu débute : nous sortons les dessins préparés, les pots de peintures et les lampes frontales. Il est temps d’aller dans la grotte. Il faut escalader une pente, ce qui donne lieu à quelques moments de solidarité : courtes échelles et mains qui se tendent. On glisse un peu, on se relève. La grotte étant petite, nous y allons par groupes de trois environ. Quelques bougies, le calme, l’humidité et l’étroitesse du lieu confère à ce moment une atmosphère particulière. Après environ une heure de peinture, la grotte est magnifiée. Toutes sortes d’animaux sauvages l’habitent maintenant.
S’ensuit une prestation de cor des alpes par Léo et Guillaume. Interloqué·e·s, certain·e·s participant·e·s soufflent dans le cor à leur tour tandis que d’autres mangent autour du feu.
Léo s’en va enterrer une bouteille d’alcool fort dans la grotte. L’idée est de se retrouver dans dix ans pour la déterrer et “boire un coup”.
Déguster un gâteau au chaud
Il est environ 14h ce 8 mars 2019, nous rangeons toutes les affaires et prenons la route jusque chez des amis de Léo. Agglutiné·e·s autour du poêle, nous avons la bonne surprise de découvrir une grande (et délicieuse) forêt noire préparée par notre artiste ! Nous faisons une partie de Uno.
En fin de journée, quelque peu fatigué·e·s, nous retrouvons le chemin de la gare. Nous tirons quelques liens avec les sorties passées : un chat enfermé dans une armoire dans la pièce de théâtre, l’animal sauvage qui nous habite selon Wajdi Mouawad, la tête de sanglier empalée dans le film “Sa majesté des mouches”.
La travailleuse sociale du SEMO qui nous accompagne souligne l’intérêt de cette dernière sortie : certain·e·s sont peu habitué·e·s à vivre des expériences dans la nature. Elle se dit touchée par l’entraide qui est à l’œuvre: s’aider à monter dans la grotte, préparer et partager un repas.
Nous sommes satisfait·e·s de notre journée inexplicable et pourtant pleine de sens, qui nous laisse encore un peu rêveur·se·s.