Dimanche
Avant la première sortie avec le groupe. L’équipe-cadre se constitue à la dernière minute, lancer de patate chaude pour le dire bêtement, on échange des mails et des coups de fil, on exprime ses appréhensions sur le délai si court, la première sortie qui approche à grand pas, l’impossibilité de rencontrer le groupe avant de se lancer dans le premier spectacle. Deux rendez-vous plus tard, et tout le monde est à l’aise : on a planifié la sortie, établi le calendrier pour les deux mois à suivre, on a esquissé à gros traits le projet artistique – et surtout, on a mis ensemble l’enthousiasme de chacune et c’est un feu qu’on a allumé. On espère qu’il prendra dans le groupe aussi !
Dimanche 30 octobre 2022. Rendez-vous dans le hall de la gare de Neuchâtel. Première sortie : le spectacle sans paroles Dimanche au TPR de la Chaux-de-Fonds.
J’arrive à l’heure pour rencontrer sur le banc trois femmes qui m’ont devancée. Un échange de sourires timides : c’est bien vous ? On se présente et le gong de départ est sonné. C’est bouleversant comme il est si facile de se sentir à l’aise avec des inconnues quand on partage un but commun : on va au théâtre, ça fait plaisir. Les femmes arrivent l’une après l’autre, on se présente, Lucie me rejoint, je distribue mon petit trésor : des carnets faits maison pour consigner notre expérience de ce beau voyage qu’on commence ensemble. L’équilibre est parfait entre Lucie, l’animatrice de RECIF, et moi : j’ai une énergie parfois trop intense, et elle a en une tranquille et réconfortante.
Premier feedback : j’avais prévu bien trop pour les 30 minutes de trajet jusqu’à la Chaux-de-Fonds. Le concept de La Marmite est complexe : il y a les sorties, il y a la création, il y a la thématique, il y a le nom du groupe. J’ai voulu tout mettre dans ces premières 30 minutes – Lucie et Claudia, une femme RECIF, s’amusent un peu de mon entrain et me rappellent qu’un peu moins, petit à petit, c’est bien aussi. Le trajet en train se déroule bien, Lucie et moi passons d’un groupe à l’autre, les femmes échangent entre elles – on a des profils très différents et c’est d’une richesse passionnante. Je mentionne à la ronde que le spectacle qu’on s’apprête à regarder est un spectacle sans paroles : les visages s’illuminent comme un arbre de Noël. J’avoue que l’expérience est nouvelle pour moi aussi, et je me réjouis qu’on découvre toutes ensemble le potentiel illimité de la communication non verbale.
Arrivées à La Chaux-de-Fonds, on retrouve Noémie, souriante et accueillante, elle se fond dans le groupe avec une aisance impressionnante et les échanges reprennent de plus belle durant le trajet jusqu’au Théâtre Populaire Romand. Je récupère les places sans problème, certaines profitent de prendre un goûter, et puis on se dirige vers la salle. Les lumières s’éteignent…
Le standing ovation à la fin du spectacle part de notre groupe, et contamine petit à petit une bonne partie de la salle. Que dire ? Des visages radieux, et on se le répète pendant tout le trajet de retour : c’était trop génial ! Le spectacle propose non seulement des tableaux très poétiques, beaucoup beaucoup de rires, mais aussi des émotions fortes qui ont déstabilisé certaines femmes. C’était tout et son contraire, de la mort à l’humour et retour, avec poésie et fracas. On est emballées, on échange librement nos impressions, on se pose des questions, on cherche les mots pour exprimer nos émotions, et surtout, on se réjouit d’avoir plus de temps pour en parler. Latifa me demande quand on arrive sur le quai : à plusieurs reprises, ils font passer le van sur le corps de la comédienne, et elle se retrouve nue la dernière fois, tu l’as compris comment ?
Le corps humain et la Terre Mère : les deux organismes vivants, les deux enrobés dans leurs couches, les deux dénudés jusqu’à la fragilité par les blessures que laissent nos pratiques de consommation et de production débridées.
Prochaine date, lundi 14 novembre : on prendra le temps de revivre, tableau par tableau, impression par impression, ce magnifique moment qu’on a partagé, Dimanche.