Chaplin au bout du pinceau

Un atelier créatif en petit comité pour revenir sur l'expérience du ciné-concert. Avant de passer aux pinceaux, je propose un petit exercice : qu'est-ce qui vous a marqué le plus dans cette sortie ? Il n'y a pas plus intéressant pour se nourrir à la source des différentes perceptions de chacune.

Meryem a été marquée par l'espace avant tout, c'était sa première fois "au cinéma". Les rangées de fauteuils, la fosse avec l'orchestre, l'écran géant : c'est un lieu qu'elle découvre pour la première fois. Et du film ? Les vieilles automobiles et les vieux costumes : c'est un voyage dans le temps, et elle a adoré plonger dans les années 1930. Eryna a adoré le film, parce qu'on comprend toute l'histoire sans les paroles, les visages et les mimiques sont tellement expressives ! La présence de l'orchestre, c'était merveilleux, et pour Lyudmyla aussi, le concert live sur un film était bouleversant. Mais c'est la réponse de Lyudmyla qui nous a toutes bouleversé : c'est le premier film qu'elle regarde depuis le début de la guerre en Ukraine, et c'est la première fois depuis longtemps qu'elle rit. Le temps du film, elle a pu oublier ses soucis et ressentir de nouveau de la joie.

Pour Alexia, luthière, c'est le son, lui aussi, qui l'a marquée : ce son vivant, pur, rend l'œuvre tellement actuelle. D'habitude la qualité des enregistrements de l'époque creuse un léger fossé et marque la distance temporelle, marque l'âge de l'œuvre, mais là, l'œuvre n'est plus vieille du tout, elle est vivante comme le son et on a l'impression d'y être. Lucie tombe d'accord avec les autres : c'est le son qui l'a bouleversée. La première mesure de l'orchestre l'a soulevée comme un volcan, c'était une émotion-explosion de vivre le film de cette manière, elle qui connaît si bien l'œuvre de Chaplin sur petit écran.

Après avoir échangé nos impressions, je déballe le matériel, et dans un silence presque religieux, rarement interrompu, on se met toutes à peindre l'émotion qu'on a ressentie et les éléments qui nous ont marqué. Les résultats sont bluffant et on a toutes un sourire jusqu'aux oreilles lorsqu'il est l'heure de ranger.

Quelle belle leçon que cet échange : parfois, peu importe le contenu de l'œuvre, son sens, l'intention de l'artiste, car en vrai, ce qui compte, c'est le moment vécu et partagé, et ça peut se passer de longs discours. À croire que l'infidélité à l'œuvre a sa part dans la valeur particulière qu'elle prend pour chacun·e.

 

 

 

Parcours lié