Spectacle "La Grande et fabuleuse histoire du commerce"

Troisième rencontre

Retour sur La Grande et fabuleuse histoire du commerce de Joël Pommerat, mise en scène d’Elidan Arzoni. Théâtre du Grütli

Première fois que nous nous retrouvons au Théâtre du Grütli. Autre lieu, autres habitudes. Ici point de beamer. Nous sommes dans le foyer du Théâtre. Les conteuses n’ont pas manqué d’amener à leur tour quelques-unes de leurs spécialités.

« C’est un peu une bande de mafieux. Je n’y vois pas beaucoup de différences. C’est une pièce qui ne fait que démontrer ce que l’on sait déjà tous ; à savoir que l’on se fait régulièrement avoir » dixit Pacho.

Pas tout à fait d’accord : à Genève par exemple, « il n’y aurait pas de bon vendeur. » Ça tombe un peu sous le sens mais au fait, c’est quoi un bon vendeur ? « C’est le type qui peut vendre n’importe quoi à n’importe qui. »
Presque. A Genève, le commerçant s’est aussi adapté à sa clientèle. On verra aussi des vendeurs affublés de costards cravates qui vous déroulent le tapis rouge alors que, de toute évidence, vous ne faites que venir acheter du café.

En même temps, un mauvais vendeur reste un vendeur. Vendre, c’est la première chose qui vient à l’homme pour ne pas sombrer dans la misère. « Vendre plutôt que tendre la main » corrige Pacho.
Sur le sujet, Pacho est incollable. Pacho est un gentleman. Il arrive à l’heure, accompagné de Persida. Il roule les r tout en déroulant ses expériences de vie avec un air de « on ne la lui fait pas ». Ses phrases sont généralement ponctuées d’un léger rire qui pointe l’ironie pour mieux marquer l’évidence.

« Le commerce, terriblement humain ! »

C’est donc un texte, du point de vue de certain, trop didactique, pâle imitation du quotidien. Une critique qui nous confirme dans l’idée que parler du commerce, c’est avant tout parler des Hommes et des relations qu’ils entretiennent.

Moussa est Sénégalais. Le corps marathonien, la casquette vissée sur la tête, Moussa acquiesce volontiers quand le propos semble tendre vers la sagesse, ou tout du moins vers le bon sens. Il est calme, posé, et se divertit volontiers de voir les autres s’emporter.
Aujourd’hui il nous raconte avec un ton amusé le nombre de fois où il s’est fait berner par son marchand de beurre de cacahuètes.
« Alors, il est bon ce beurre de cacahuète ? »
« Non, pas vraiment » dit poliment Moussa. Comprenez : pas du tout ! Ah, le plaisir de retourner dans cette épicerie, de se faire délicieusement tenter par un commerçant aussi doué en affaire que ses beurres de cacahuète sont mauvais… Car dans le fond, le plaisir se constitue surtout dans l’échange.

Si les réserves concernant le traitement de la thématique sont nombreuses, le texte est en revanche reconnu pour sa valeur métaphorique. La rupture entre un avant et un après est consommée. Le renversement de pouvoir ne se fait pas forcément dans la bonne direction.
Ainsi, dans la première partie, ce sont les vieux qui apprennent le métier au jeune. La solidarité s’exprime par le biais du partage des recettes. Dans la deuxième partie en revanche, c’est plutôt le jeune loup qui trie les seniors. Le politiquement correct est à son apogée, on y vend « le guide des droits humains » à des gens qui, de toute évidence, n’en ont pas beaucoup, de droits. Le cynisme, érigé en système, atteint des sommets.

Tous s’accordent à dire que le jeu des comédiens est excellent. Le souvenir de Pietro Musillo à terre, faisant mine d’adorer les chiens en général, et ceux de son client en particulier, revient en mémoire de tout le groupe.

C’est donc une pièce qui pose le problème « de choses très quotidiennes » en même temps qu’elle pose, elle-aussi, la question des modèles de société.

Après cette deuxième sortie, le groupe est convaincu par l’idée que le commerce est à l’intersection entre le micro, les échanges de tous les jours, et le macro, à savoir les modèles de société qui régissent les relations entre les Hommes.

Nous décidons donc de mettre la question des modèles de société au cœur de notre discussion avec Catherine Larrère, l’intellectuelle que nous allons rencontrer prochainement : Y a-t-il un modèle de société qui, plus qu’un autre, amplifie ou au contraire atténue les effets néfastes inhérents au commerce, inhérents à toutes formes de relations humaines ?

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