Film "L’Argent"

Deuxième rencontre

L’Argent

Retour sur L’Argent, de Robert Bresson (film, 1983)

Nous nous retrouvons dans la salle de réunion du Mamco (Musée d’Art Moderne et Contemporain de Genève), au dernier étage du Musée. Cette fois j’ai prévu quelques confections maison, essentiellement des cookies préparés avec amour et quelques pépites de chocolat.

« La façon dont c’est joué, ça enlève toute empathie avec les personnages. »

« Tu peux pas jouer aussi mal, c’est pas possible. »

« Non, moi j’ai pas du tout aimé ce film. »

« Autant mettre quelqu’un qui lit un livre. »

Les retours sur L’Argent de Robert Bresson sont assez négatifs. Quand bien même l’analyse du film et les questions qu’il soulève sont intéressantes, le groupe peine à se laisser convaincre.

« Avec l’argent, l’homme perd facilement le sentiment de la justice, le devoir civique. La facilité de l’argent fait perdre de vue les questions fondamentales. »

« Dans ce film, on voit bien que ce sont tous des moutons. Aucun d’eux n’est fondamentalement méchant mais l’argent facilite les petits arrangements avec la réalité. »

Eric explique au groupe la méthode de travail de Robert Bresson. Les acteurs du film ne sont pas de vrais comédiens. Bresson engageait des gens qui n’avaient jamais joué de leur vie. Il leur faisait répéter les mêmes scènes des dizaines et des dizaines de fois jusqu’à ce que la lassitude et l’épuisement provoquent l’abandon du jeu, de l’intention. Bresson cherchait des modèles, pas des artistes, et voulait le contrôle absolu sur sa production.

Pour Cathy, le résultat de cette méthode a du sens. « Ce manque d’empathie, ce manque d’émotions perceptible à l’écran nous renvoie à nous-même. Pas le temps de se laisser embarquer par le personnage, de palpiter pour sa vie. Le film vise plutôt à exprimer la mécanique de l’argent et l’implacable routine de la machine judiciaire. »

Très actuel, le rythme des scènes et le moment où elles sont coupées nous permettent de faire face à ce sentiment désagréable de ne pas pouvoir aller au bout des choses. Notre corps ressent de l’inconfort, mais notre cerveau n’a pas le temps d’analyser d’où vient la gêne. Il en résulte un cumul d’inconforts ressentis mais non conscientisés. Le rythme effréné de l’information comme source d’angoisse et de vide. Prémisse d’une société déshumanisée.

Quant à la scène de braquage, elle est à l’origine d’une préoccupation qui revient régulièrement dans le groupe : la question des modèles de société.

Lorsque Yvon met le pied sur l’accélérateur, c’est le seul moment du film où il semble convaincu de ce qu’il fait. Le reste du temps, il est inconsistant, se défend mal. D’aucuns de penser qu’il agit sous la crainte et qu’il n’est pas au courant de ce qu’il fait. Faux ! rétorque notre artiste : « Yvon sait très bien ce qu’il fait. »
« Puni d’avoir été honnête et bon, Yvon se dit qu’il aura peut-être plus de chance dans une carrière de malfrats » ajoute Nyan.
De là à devenir le psychopathe qu’Yvon incarne à la fin du film, il y a un pas que tous ne sont pas prêts à franchir. L’argent peut-il, à lui seul, conduire à la folie meurtrière ?
Non catégorique de Nyan ; « l’Homme n’a pas attendu l’argent pour devenir violent. »

Affaire à suivre….

Nyan est animateur. Le Spoutnik, il connaît bien. Avec un léger accent brésilien qui rappelle le lieu où il a grandi, Nyan nous assure que le lieu est incontournable à Genève. Regarder un film confortablement assis dans des fauteuils et des canapés : « que demander de mieux ? » A son contact, on ressent surtout que Nyan a de la suite dans les idées. Il est vif, prompt à la critique comme à la révélation de nouvelles idées. Il vient à vélo, repart à vélo, oubliant de préférence son casque histoire de mieux revenir.

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