16 Décembre 2019

Fête de Noël à Palabres.

Rencontrer des participants que l’on connait déjà ou des nouveaux. Il y a aussi des bénévoles, des stagiaires. Valentine, qui rentre d’un lointain voyage, Carole, qui part en vacances au loin.

On mange des fruits et des gourmandises. Il y a des sauces qui piquent, mais vraiment beaucoup. Tilo a mis une chemise rose qui éclaire le gris du dehors, il dit qu’il la choisit dans le noir et c’est une surprise de voir la couleur quand il sort de la maison.

On prend des photos puis Carole met de la musique avec ce qu’elle a sur son téléphone : des cumbias, Manu Chao, du raï. Tout le monde danse, ou tape des mains.

20 janvier 2020

Passage à Palabres pour représenter la Marmite et donner envie du parcours. Une analogie entre le parcours, jalonné de rendez-vous, et un collier composé de perles, est proposée.

Quelques images de Border circulent, le film promet d’être étrange. Une bénévole l’a vu et est restée avec un sentiment de malaise, mais elle propose que nous le voyions avant d’en parler.

 

Tilo fait part de sa vision du projet, Carole le soutient et situe les liens entre la Marmite et Palabres, deux ans déjà.

Après le début des cours de français, bénévoles, artistes et médiatrices restons longtemps à parler des féministes du Zimbabwe, de la jeunesse africaine avec une vision politique, tandis que d’autres mettent à jour le groupe WA suite aux inscriptions et un calendrier partagé.

Ce soir-là certains participants ne sont pas en forme, une oreille leur est proposée, d’autres sont chaleureusement salués dans le couloir quand ils arrivent en retard. On circule à Palabres comme dans un moulin. Et on doit faire des moulins avec les bras pour déclencher la lumière dans le couloir qui nous tient lieu de salle de réunion.

22 janvier 2020

Préparation et projection de Border. Devant le « miniplexe » improbable du Zinéma à Lausanne, nous nous retrouvons pour observer la fresque, mi organique mi végétale qui habite ce passage. Certains y voient des cellules d’intestin, d’autres des fleurs de tiaré, des pétales tombés, des pierres multicolores, ou des chemins de fleuves.

Dans l’espace contenant du hall du Zinéma nous nous questionnons sur le pourquoi d’un tel nom, puis nous les participants prennent note par groupes de traductions ou synonymes possibles du terme « étrange ». Dessin, familles de mots, verbes possibles, lien avec l’étranger ou non, l’étonnement, le bizarre voire le déviant, les participants échangent écrivent et dessinent des images et les contours du sens.

Un moment de mise en jeu des corps nous chauffe, nous rapproche, nous relie. Se présenter avec un geste de salut, répéter, mémoriser, appeler quelqu’un. Puis petit à petit créer des statues dans le cercle, auxquelles répondent les autres. Chercher le bizarre dans les propositions ou les réponses, ajouter spontanément les éléments à la statue, progressivement les niveaux se multiplient, le contact physique témoigne de la construction commune. Pour chaque statue ainsi construite nous mentionnons les scénarios possibles.

Nous prenons 15 minutes pour que chacun mette en scène l’ « Etrange », du lieu, de la situation, des personnages, en utilisant des accessoires lumineux (bougies, lampes frontales, lampes de poche, photophores) afin d’imprimer l’image. Tilo prend des photos par groupes, qu’il va monter, modifier pour les présenter les fois suivantes.

Lors d’une prise de vue en duo à l’extérieur, un aveugle qui passait par là, à grande vitesse sur son chemin quotidien, bouscule le trépied et contribue à renouveler le cadrage d’une photo intéressante, où Cristian tient la lumière dans sa main.

Quelques personnes arrivant pour voir le film « Border » observent étonnés les dernières actions de la marmite ; la salle se remplit, les chaises se déplient. Nous nous trouvons disséminés dans la salle de projection que chacun a pu s’approprier à sa guise pour un moment. Les expériences intenses vécues en groupe se décantent peu à peu dans nos têtes et dans le silence. La foule de plus en plus serrée attend dans la pénombre le début de la projection. La Marmite est présentée en introduction, et au moment de projeter le film le courant saute, nous sommes plongés dans l’obscurité quelques instants.

Durant le film à plusieurs moments les cœurs palpitent, les spectateurs rient ou s’exclament, les pistes sont constamment brouillées entre le masculin et le féminin, le bien et le mal, l’habituel et l’étrange. Quelques-uns déposent après le film leurs impressions

« C’est l’homme qui porte le bébé, c’est la femme qui a un sexe qui sort »

« Le mélange des genres » 

« Le bébé a une barbe et une queue »

« Vore n’est que de passage ici, il passe d’un monde à l’autre, c’est ça la Border qui est floue »

« Ils mangent des insectes »

« Dudosa » 

 « Hors du commun »

« Mas alla de lo entendible »

Notre regard sur le genre humain est renouvelé par ce film sensoriel, lent, silencieux. Quelques conversations s’éternisent avec une jeune Emma passionnée de cinéma alternatif.

28 janvier 2020

Réunion post film à Palabres. Les participants sont accueillis avec : des piments fourrés au fromage. Des insectes séchés. Des vers en bonbons. Qu’est-ce qui est bizarre ou tabou de manger ? Ici ? Ailleurs ? Qui est prêt à tenter une nouvelle expérience ? Qui est choqué ?

Les sauterelles font des dégâts sur les cultures en Ethiopie. 

L’élevage de grands mammifères contribue au réchauffement climatique.

La gélatine de porc des bonbons est toxique.

Les participants arrivent petit à petit, et s’immergent dans leurs souvenirs et la bande sonore du film en écrivant ce qu’il reste en eux de Border. Un moment, un personnage, une émotion, une sensation… 10 minutes d’écriture sans interruption, dans la langue de leur choix.

Nous sculptons à nouveau nos prénoms, mais de manière étrange. Ecoute, vulnérabilité, jeu, joie, grand âge, les nuances et tonalités différentes apparaissent. Ensuite sont proposées des statues individuellement pour reprendre un aspect du film, un moment. Les regardeurs proposent leur interprétation, puis leurs réactions.

Quels moments du film ont pu inspirer du dégoût à l’un ? Comment réagir quand apparait le bébé ? A quels moments du film ai-je pu respirer un peu ? La parole, la réaction et le débat s’articulent aux propositions corporelles.

Tilo présente ensuite les photos prises la dernière fois, et nous apprenons à observer longuement ensemble ce qui crée du sens : une composition, un flou, une lumière, une couleur, un équilibre de l’image. Tilo présente chacun comme « digne d’être artiste », dans une démarche expérimentale et ouverte, un peu « paresseuse » aussi, ne contrôlant pas tout, laissant émerger les accidents comme le cadrage de l’aveugle. Il s’agit aussi d’apprendre à regarder, regarder longtemps. Se faire confiance dans cette durée, dans la création collective du sens. C’est sur cette base que nous allons continuer le parcours.

Quelques participantes restent, racontent leurs attachements ou doutes quant aux personnages du film.

On pourrait aller faire des photos dans la forêt ?